CESSATION DE PAIEMENT… de quoi s’agit-il ?

Dossier Source INFOGREFFE

LA CESSATION DE PAIEMENT

 

FAQ

La notion de cessation des paiements

La loi a défini des procédures contrastées de traitement des difficultés selon que l’état de cessation des paiements est ou non franchi. C’est pourquoi la définition de cet état est fondamentale pour apporter la solution la plus appropriée à la situation de l’entreprise.

  • Résumé

Toute entreprise, personne physique ou société, en cessation des paiements, doit impérativement déclarer cette situation auprès du tribunal dans les quarante-cinq jours de sa survenance, sauf si l’entreprise demande, pendant ce délai, l’ouverture d’une procédure de conciliation.

 L’exécution de cette obligation a plusieurs incidences.

Elle conditionne le placement de l’entreprise en difficulté, par jugement dit « d’ouverture », en procédure soit de redressement judiciaire, soit de liquidation judiciaire.

Surtout, elle tend à permettre de clarifier la situation réelle de l’entreprise et de prendre, le cas échéant, des mesures d’assainissement élémentaires.

En effet, déclarer la cessation des paiements permet au tribunal de délimiter une période dite « suspecte ». Pendant cette phase, d’éventuels actes anormaux commis par le dirigeant (faute de gestion) ou parfois par des tiers peuvent être plus aisément identifiés. Ainsi, la déclaration de cessation des paiements peut conduire à reconstituer tout ou partie de l’actif de l’entreprise, notamment grâce à l’annulation des actes anormaux détectés pendant la période « suspecte ». La déclaration peut également mener le tribunal à devoir écarter le dirigeant, auteur de ces fautes, de l’entreprise, et parfois de la vie économique.

 

La cessation des paiements, critère décisif du choix de la procédure de traitement des difficultés de l’entreprise.

La détection de la cessation des paiements par une entreprise en difficulté est décisive de la procédure de traitement de celle-ci et donc du sort de l’entreprise. C’est pourquoi l’entreprise en difficulté doit parfaitement connaître la définition légale de cet événement et sa signification concrète.

En effet, l’absence de cessation des paiements laisse l’entreprise en difficulté libre de recourir à l’ouverture d’une procédure judiciaire de prévention, c’est-à-dire une procédure soit de sauvegarde, soit de conciliation, soit de mandat ad hoc :

L’ouverture de la sauvegarde est subordonnée à la démonstration par l’entreprise qu’elle n’est pas en mesure de surmonter, seule, ses difficultés. Cette procédure vise à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de son activité économique, le maintien des emplois et l’apurement de son passif, sous protection judiciaire, grâce à l’exécution d’un plan de sauvegarde opposable aux tiers.

Le recours au mandat ad hoc est subordonné à la démonstration par l’entreprise de l’existence d’une difficulté quelconque, mais sans que la situation de l’entreprise soit déterminante. Cette procédure strictement confidentielle vise en effet à rechercher toutes solutions amiables devant permettre de résoudre les difficultés rencontrées. Le rôle du mandataire désigné par le tribunal n’est pas défini par la loi et le tribunal dispose ainsi d’une grande latitude pour le fixer, sous réserve des propositions que peut éventuellement lui faire l’entreprise. En pratique, ce type d’intervention se traduit le plus souvent par la recherche d’un accord avec les principaux créanciers de l’entreprise.

L’ouverture de la conciliation est subordonnée à la démonstration par l’entreprise d’« une difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible ». Cette procédure confidentielle, qui peut succéder à la procédure de mandat ad hoc, permet de désigner un conciliateur dont le rôle fondamental est la négociation. Elle vise donc à conclure un accord amiable restructurant les dettes de l’entreprise avec ses principaux créanciers et, le cas échéant, ses rapports avec ses autres cocontractants habituels (fournisseurs et clients), dans un délai limité. Cet accord peut être homologué par le tribunal, ce qui permet sa publicité.

Au contraire, la survenue de la cessation des paiements oblige impérativement, dans les quarante-cinq jours qui la suivent, l’entreprise en difficulté à déposer la déclaration correspondante aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de conciliation.

L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire est subordonnée à la démonstration par l’entreprise que sa situation n’est pas irrémédiablement compromise. Cette procédure vise à permettre, sous contrôle judiciaire, la poursuite de l’exploitation de l’activité de l’entreprise, l’apurement du passif (c’est-à-dire, sommairement, le règlement de ses dettes) et ainsi le désintéressement des créanciers (en d’autres termes, le remboursement de ces créanciers), tout en y maintenant l’emploi.

L’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire est subordonnée à la démonstration par l’entreprise que son redressement est manifestement impossible. Cette procédure vise à permettre, toujours sous contrôle judiciaire, de mettre fin à l’activité et à l’entreprise ou à réaliser (convertir en argent) son patrimoine par une cession globale ou séparée de ses droits et biens.

L’ouverture de la conciliation, seule procédure de prévention des difficultés, demeure encore accessible à l’entreprise en cessation des paiements, du moment que l’ancienneté de cet état ne dépasse pas quarante-cinq jours.

Définition légale de la cessation des paiements

La cessation des paiements vise la situation d’une entreprise en difficulté qui se trouve dans « … l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ».

La détection de cette situation nécessite d’abord l’appréciation isolée du « passif exigible » de l’entreprise, d’une part, et de son « actif disponible », d’autre part.

La comparaison de ces deux valeurs permet de déterminer si l’entreprise est en mesure de « faire face » à son « passif exigible », c’est-à-dire si elle peut rétablir une situation comptable et financière équilibrée. Dans la négative, l’état de cessation des paiements est identifié.

L’« actif disponible » est à distinguer de l’actif patrimonial et n’inclut qu’une partie des éléments figurant à l’actif du bilan, à savoir :

l’actif liquide, qui correspond principalement aux sommes en caisse, aux soldes créditeurs provisoires des comptes bancaires à vue, aux effets de commerce à vue, aux réserves de crédit ou aux moratoires accordés (et non pas seulement envisagés ou simplement promis) par les créanciers (excepté s’ils traduisent un soutien artificiel accordé dans des conditions anormales, masquant une insuffisance d’actif) ;

et l’actif réalisable (c’est-à-dire convertible en argent) immédiatement, qui correspond, dès lors que leur cession facile et rapide peut être envisagée, par exemple, aux effets de commerce escomptables, aux valeurs mobilières cotées rapidement réalisables.

En revanche, sont exclus de l’actif disponible les biens ne pouvant être cédés à court terme tels que le montant des travaux réalisés dans les locaux de l’entreprise, la valeur du stock de marchandises, le prix d’acquisition d’un fonds de commerce et les actifs immobiliers.

Le « passif exigible » ne recouvre pas le passif patrimonial. Il n’inclut que la partie des éléments du passif du bilan visant les dettes dont le paiement est requis immédiatement. Le passif exigible vise donc, par principe, les dettes de l’entreprise, quelle que soit leur nature civile ou commerciale, dès lors qu’elles sont

-   certaines (dont l’existence actuelle est incontestable),

-   liquides (dont la valeur est déterminée ou déterminable),

-  et exigibles (dont le terme est échu même si les tiers créanciers n’ont rien réclamé).

A l’inverse, le passif exigible exclut automatiquement les créances litigieuses de tiers, c’est-à-dire leurs créances en cours de contestation judiciaire et celles dont il est prouvé qu’elles sont privées de l’un au moins de ces trois critères.

Distinction de la cessation des paiements d’autres difficultés

Il est important de distinguer l’état de cessation des paiements d’autres difficultés rencontrées par l’entreprise, à savoir les « difficultés que l’entreprise ne peut pas surmonter seule », l’insolvabilité, la situation irrémédiablement compromise, la gêne momentanée et la poursuite d’une exploitation déficitaire.

Chacune de ces situations est juridiquement définie de la manière suivante.

« Les difficultés que l’entreprise ne peut pas surmonter seule » :

D’une manière générale, les « difficultés que l’entreprise ne peut pas surmonter seule » correspondent aux événements ou circonstances suffisamment graves pour ne pas être résolues par les seuls moyens de l’entreprise, exclusion donc faite de la prise en compte de l’aide éventuelle de tiers (par exemple, la garantie qu’un groupe pourrait fournir à l’entreprise sujette à ce type de difficultés).

La nature (sociale, juridique, comptable, économique ou financière) desdits événements importe peu, alors que la survenue de la cessation des paiements résulte exclusivement de la caractérisation d’une situation comptable et financière précise, l’insuffisance de l’actif disponible pour faire face au passif exigible.

Plus précisément, pour la jurisprudence, les difficultés insurmontables ne visent ni des empêchements anodins ou de simples difficultés passagères, ni, à l’inverse, une situation telle qu’on puisse en déduire la survenance d’une cessation des paiements, qu’elle soit immédiate, imminente, ou même plus lointaine. C’est la raison pour laquelle l’établissement d’un lien entre les difficultés insurmontables et l’éventualité d’une cessation des paiements, et donc de problèmes à caractère comptable, financier ou économique, n’est aucunement requis pour caractériser ces difficultés.

Pour établir que les difficultés sont insurmontables, il est seulement exigé de prouver la survenue de faits suffisamment précis comme, par exemple :

-   le déficit du dernier exercice comptable ;

-   un chiffre d’affaires important pour un bénéfice très faible et en forte baisse ;

-   un compte prévisionnel faisant apparaître un solde de trésorerie négatif à bref délai ;

-   un fort déséquilibre entre capitaux et immobilisations ;

-   le déclenchement de la procédure d’alerte par le commissaire aux comptes ;

-   l’allongement considérable de la durée de rotation des stocks ;

-   la mise en œuvre d’un plan social prévoyant des licenciements économiques…

Par ailleurs, les difficultés insurmontables, sauf si elles ont été précédées d’une cessation des paiements, ouvrent le droit de demander à bénéficier de la procédure de sauvegarde, alors que la survenue de la cessation des paiements exclut cette procédure et impose de solliciter l’ouverture d’une procédure collective, selon le cas, soit de redressement, soit de liquidation judiciaire.

 L’insolvabilité :

 L’insolvabilité est l’état d’une entreprise dont l’ensemble du passif est supérieur à l’ensemble des éléments d’actif.

Concrètement, cette situation est caractérisée par l’absence de ressources ou de biens saisissables propres à l’entreprise permettant d’apurer l’ensemble de ses dettes, ne serait-ce que de façon échelonnée.

Parvenir au constat d’insolvabilité revient donc à apprécier la situation de l’entreprise à l’aune de son entier patrimoine, c’est-à-dire en fonction de la totalité de ses créances et biens (principalement, de ses biens meubles et immeubles, corporels et incorporels) formant son entier actif, par rapport à la totalité de ses obligations ou dettes contractées, formant son entier passif.

En revanche, déterminer si une entreprise est ou non en état de cessation des paiements revient à comparer entre elles non pas les deux masses entières du passif et de l’actif de l’entreprise formant son patrimoine, mais deux sous-ensembles de ces masses, à savoir la partie de l’actif dite « immédiatement disponible » à la partie du passif dite « immédiatement exigible ».

Par conséquent, la notion d’insolvabilité se différencie nettement de celle de cessation des paiements :

Une entreprise peut être solvable, c’est-à-dire disposer d’un patrimoine incluant un actif d’ensemble supérieur à son entier passif, lui permettant de le couvrir complètement, mais être en cessation des paiements. C’est le cas, si face à un passif exigible sur le champ, l’actif est long à réaliser (convertir en argent) et n’est donc pas immédiatement disponible pour être mobilisable instantanément, ce qui correspond par exemple à la situation des actifs résultant de la propriété d’immeubles, dont la vente ne peut avoir lieu à très bref délai ;

Une entreprise peut, à l’inverse, être insolvable car l’ensemble de son passif excède nettement son entier actif, sans que cette situation soit suffisante à identifier un état de cessation des paiements, parce que, par exemple, celle-ci peut éventuellement bénéficier d’un prêt permettant de couvrir la fraction de son passif immédiatement exigible.

La situation irrémédiablement compromise :

Le constat de cessation des paiements résulte essentiellement d’un examen des échéances immédiates, c’est-à-dire des dettes à régler sur le très court terme et des créances à encaisser dans les mêmes délais, et ne fournit par conséquent aucune indication sur la pérennité de l’entreprise.

 A l’inverse, la situation irrémédiablement compromise de l’entreprise procède d’une analyse prospective de ses résultats. Elle vise, en effet, le cas de l’entreprise dont la situation est complètement obérée et sans issue ou qui se trouve dans l’impossibilité manifeste d’être redressée.

La continuité de son exploitation, projetée dans un avenir prévisible, ne peut plus être assurée dans des conditions normales de fonctionnement, par exemple, sans la fourniture de moyens ou de soutiens anormaux – c’est-à-dire abusifs, ruineux, voire frauduleux – tels que l’octroi de crédits bancaires destinés en fait à masquer une situation continuellement déficitaire, et donc l’insuffisance d’actif réellement disponible.

La gêne momentanée :

Le constat de la gêne momentanée, qui ne nécessite pas de constatation judiciaire, vise une interruption passagère ou un décalage provisoire du paiement des dettes, en raison d’une simple panne temporaire de trésorerie.

 Elle se distingue ainsi de la cessation des paiements, qui requiert une décision judiciaire et correspond à un état persistant de l’arrêt des paiements.

La poursuite d’une exploitation déficitaire :

L’observation de la poursuite par une entreprise d’une exploitation déficitaire résulte du constat répété de pertes sur plusieurs exercices écoulés, et au moins les deux derniers.

Pour sa part, la détection de la cessation des paiements se fonde sur une échelle de temps plus courte et nécessite une évaluation sur une période à venir à très court terme, généralement située à l’intérieur d’un même exercice (l’exercice en cours), de l’actif disponible et du passif immédiatement exigible.

A cet égard, la poursuite d’une exploitation déficitaire n’est pas automatiquement synonyme de cessation des paiements. Ainsi, la continuité de l’exploitation même déficitaire d’un exercice sur l’autre peut être assurée par la fourniture de moyens abusifs, ruineux, voire frauduleux. C’est le cas, par exemple, de l’usage détourné de crédits bancaires aux seules fins de masquer l’insuffisance d’actif réellement disponible et donc une cessation des paiements parfois assez ancienne.

Bon à savoir : l’exploitation poursuivie dans de telles conditions caractérise une faute de gestion du dirigeant, au même titre que l’omission pure et simple de toute déclaration par ce dernier de la cessation des paiements.

Les entreprises pouvant faire l’objet d’une cessation des paiements

Les personnes suivantes peuvent faire l’objet d’une cessation des paiements :

Toute personne physique exerçant une activité soit commerciale (commerçant immatriculé ou non au RCS ; auto-entrepreneur exerçant ce type d’activité), soit artisanale (artisan inscrit ou non au répertoire des métiers ; auto-entrepreneur exerçant ce type d’activité), soit libérale, soit agricole ;

Toute personne physique ayant la qualité d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) ;

Toute personne morale de droit privé, dont principalement : les sociétés (unipersonnelles ou pluripersonnelles) commerciales, les sociétés civiles, les groupements d’intérêt économique, les établissements de crédit.

La cessation des paiements ne peut pas être appliquée aux personnes suivantes :

les particuliers en cours de procédures de surendettement ;

les personnes physiques domiciliées en Alsace et en Moselle ;

les établissements de crédit ;

les personnes visées par l’extension d’une procédure collective déjà ouverte vis-à-vis d’une société, en cas de confusion de leur patrimoine avec celui de cette société :

- une ou plusieurs sociétés d’un même groupe en cas de procédure sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire affectant déjà une société du même groupe,

- l’associé ayant confondu son patrimoine avec celui d’une société faisant déjà l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire,

- le dirigeant d’une société qui fait déjà l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

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